Le Domaine de Bois-Héroult, de 1715 à nos jours

Sobre bijou à l’équilibre parfait, le château de Bois-Héroult s’est construit de 1715 à 1721 sur les hauteurs d’une campagne préservée, harmonieusement vallonnée, alternant champs, bois et prairies. Son parc, ouvert sans limite dans les deux directions principales,se découvre de part et d’autre d’une discrète route de crête.

Facade sud du chateau de Bois Héroult
Façade sud

L’allée centrale de la cour d’honneur conduit au château, partageant en deux la pelouse bordée de beaux arbres. Leurs troncs dégagés laissent apparaître l’église paroissiale nimbée d’une lumière gaie, filtrée par les feuillages. Sage fabrique bienveillante, elle compose une scène romantique et semble faire partie du parc.

Le grand commun

Au rebord de la pente, deux terrasses plantées de tilleuls en rideaux enchâssent le château et lèvent le rideau sur le panoramaduparc et du paysage.  

Les visiteurspassent en entrant devant les grands communs superbement restaurés.

Ils abritent le musée et la bibliothèque Gabriel de Broglie, créésen 2015 à l’occasion du tricentenaire du domaine de Bois-Héroult par Edouard et Priscilla de Lamaze, propriétaires des lieux, hommage à leur beau-père et père qui leur a transmis le domaine en 2006.

Ardent défenseur de la langue française, président de la Société des bibliophiles français, Gabriel de Broglie est historien et membre de l’Académie française depuis 2001.Le musée expose des plans anciens représentant le parc depuis 1720, origine de sa plantation, contemporaine de la construction du château.

Les visiteurs peuvent ainsi analyser quatre états du parc au XVIIIe siècle avec leurs variantes. C’est tout à fait exceptionnel !

Plan 1760
Plan 1760
Plan 1780
Plan 1780
Plan 1790
Plan 1790

Pour moi, dont le métier est de dessiner des plans d’état actuel et d’états projetés, c’est une jubilation à chaque fois renouvelée de regarder ces documents, d’en cerner la composition, de chercher à comprendre les objectifs poursuivis, d’y découvrir des détails, d’y déceler des tentatives inabouties.

J’y vois s’ycôtoyerles rêves et la réalité de leurs commanditaires. Ils sont les reflets de leurs aspirations, de leur statut social, de leurs moyens mais aussi de l’état d’esprit des époques dans lesquelles ils vivaient.

Le même engouement pour ces plans a conduit Edouard et Priscilla de Lamaze à offrir au public un outil pédagogique exceptionnel : l’HistoPad créé par la société Histovery, spécialisée en visite augmentée, qui a notamment œuvré au château de Chambord,à l’abbaye de Sénanque et à la Conciergerie de Paris. Il s’agit d’une tablette, qui permet de se promener en 3D à 360° de façon particulièrement réaliste, vivante et didactique, montrant les visages des somptueux jardins du parc au fil du temps. La pertinence historique et la qualité des images sont exemplaires et saisissantes.

La cour d'honneur vers 1740, HistoPad
La cour d’honneur vers 1740, HistoPad

La promenade virtuelle entraîne d’abord les visiteurs au cœur dela composition classique du parc du début du XVIIIe siècle. Ils découvrent les allées couvertes qui mènent en contrebas au grand jardin dessiné en une succession de chambres de verdure aux dessins géométriques variés.

Les bosquets du bout du parterre vers 1740, Histopad

Les visiteurs amoureux des jardins plus libres, apprécieront la promenade virtuelle dans le parc de 1790 devenu romantique. Ils s’imaginerontau bord d’un étang ou sous les frondaisons d’arbres récemment importés de pays lointains, plantés au tournant du XVIIIe et du XIXe siècles par l’abbé Le Turquier de Longchamp (1748-1829), botaniste distingué, né à Bois-Héroult et auteur de « La Flore des Environs de Rouen ».

L’étang vers 1790, HistoPad
L’intérieur d’un bosquet vers 1740, HistoPad

La magie de l’HistoPad ne doit pas nous empêcher de faire appel à nos cinq sens pour savourer les bienfaits du parc actuel, superbement entretenu.

Le parc d’aujourd’hui découle d’évolutions successives impulsées en 1970, date à laquelle ont été réalisés d’importants travaux de réhabilitation du parc classique par Mme Chodron de Courcel, héritière des lieux et par son gendre M. Mieg de Boofzheim, entrepreneur. Sur les plans de M. de Roquigny, architecte, ils réalisent la construction des terrasses latérales du château.

Photo aérienne en 1947
Photo aérienne en 1947
Photo aérienne en 1973
Photo aérienne en 1973

Dans le parc, ils prolongent la vue diagonale vers le clocher de Buchy dans les herbages; le grand parterre, les allées et leurs marches du jardin classique sont redessinés, le bassin octogonal reconstruit , la faisanderie restaurée, la piscine et ses pavillons créés. Le parc de 1970 emprunte au jardin à la française une partie de son vocabulaire tout en conservant les arbres majestueux du parc romantique abandonné de longue date.

Perspective vers Buchy

En 1993, l’Association des Parcs et Jardins de Haute Normandie (ARPJHN) et Gabriel de Broglie me demandent une note d’intention paysagère. C’est à cette occasion que je découvre avec émerveillement la richesse du fonds cartographique. La reconstitution des jardins du XVIIIe siècle est une tentation rapidement écartée par réalisme.

Il faudrait entreprendre des travaux colossaux, faire table rase de la beauté existante et repartir de zéro ! Je propose plus simplement d’atténuer le principal déséquilibre de la composition de 1970 en créant à l’est une ouverture dans le bois, pour répondre symétriquement à la vue vers Buchy. Elle conduirait à un étang.

Vue actuelle depuis le perron
Vue actuelle depuis le perron

Enceinte, je ne peux poursuivre l’idée,mais elle estrepensée et mise en œuvre par la paysagiste Mahaut de Laage. Elle coupe des arbres, éclaircit les couverts, rehausse les frondaisons pour y faire entrer la lumière, plante les hydrangéas, orangers du Mexique et autres arbustes à fleurs qui agrémentent aujourd’hui la promenade de leurs floraisons et de leurs parfums.

Le parc actuel
Le parc actuel

Au sud de la route, Gabriel de Broglie souhaite restaurer l’autre perspective du château dans la pâture. Mahaut de Laage installe une allée centrale, plante deux alignements de hêtres et un très beau verger de poiriers.

Les arches de roses
Les arches de roses
Hydrangéas

En 2006, Priscilla et Edouard de Lamaze restaurent l’escalier à double révolution du château et sa rampe en fer forgé Louis XV, dont le perron est l’origine de la perspective du parc classique. En 2010, c’est au tour de la statue de Flore et Zéphyr qui clôt le grand parterre d’être restaurée et nettoyée (cf l’article dédié à la restauration de la statue).

Le jardin de la grenouille
Le jardin de la grenouille
Le miroir d'eau
Le miroir d’eau

En 2012, Edouard et Priscilla de Lamaze me demandent d’introduire une roseraie. L’endroit idéal est le jardin de la faisanderie. Je dessine quatre pergolas pour accueillir la généreuse floraison parfumée des rosiers grimpants. Leur motif de ferronnerie est inspiré d’anciens croquis de mobilier de jardin du parc.

Côté ouest, Edouard de Lamaze entreprend d’apaiser la composition disparate de 1970. Sur les conseils de son cousin, Didier Repellin, inspecteur en chef des Monuments Historiques, il plante un mail en partie haute qui surplombe un ravissant jardin géométrique.

Plus bas, Priscilla de Lamaze qui est sculpteur égaye et enrichit la perspective vers Buchy de dix grands lièvres espiègles en bronze qui surgissent l’un après l’autre dans le parc à la naissance de ses dix petits enfants! Chaque lièvre porte le nom d’un enfant auquel s’ajoute l’évocation d’un trait de son caractère : le rapide, le rêveur, le rigolo, les trois filles qui dansent, la cabriole, le bougon, le nonchalant, le petit.

Les lièvres insouciants
Les lièvres insouciants
Vers la perspective à créer...
Vers la perspective à créer…

L’entretien du domaine requiert deux jardiniers et un apprenti. Le désherbage des allées sablées superbement ratissées se fait manuellement, les haies sont taillées à l’épareuse.

Les 7 ha du parc ordonnancés autour du château sont inclus dans 22 ha de parc plus vaste et l’écrin protecteur des90 ha du bois de Trianon qui accueille une chasse réputée.

Passionnés du domaine, Priscilla et Edouard de Lamaze continuent année après année sa restauration.

Dans les années à venir, la prochaine histoire du jardin devrait s’écrire dans la prairie en creux au-delà du bassin, là oùse trouvaient les chambres de verdure du grand jardin classique au XVIIIe siècle.

Maire depuis plus de trente ans, Edouard de Lamaze a fait deBois-Héroult la première commune rurale de Normandie classée Site patrimonial remarquable.

Edouard et Priscilla de Lamaze
Edouard et Priscilla de Lamaze

Le conseil municipal a adopté en 2013 une AVAP (Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine) qui assure l’utilisation de matériaux nobles, le respect des caractères traditionnels de l’architecture et champêtre du paysage.

L’AVAP permet aux propriétaires privés de toute la commune de bénéficier d’aides. Une convention a été signée entre la commune et la Fondation du Patrimoine, permettant aux constructions d’intérêt patrimonial (longères, fermettes, manoirs, lavoirs, puits, fours à pain, granges, étables, murs d’enceinte, piliers de portails…) de bénéficier du label de la Fondation, qui permet de déduire 50% des travaux de restauration de l’impôt sur le revenu, voire 100% si les travaux ont obtenu au moins 20% de subventions.

C’est ainsi qu’au-delà du château et de son parc, le territoire de Bois-Héroult rayonne au profit de la communauté et enchante les visiteurs.

Clotilde Duvoux
Architecte DPLG
Paysagiste CEAA Jardins historiques et Paysages

Le parc, le château et le grand commun sont ouverts de juin à septembre. Informations sur le site www.domaine-de-boisheroult.fr et sur lesite de l’office de tourisme Normandie Caux-Vexin  www.normandie-caux-vexin.com