Le château de Vascoeuil était complètement à l’abandon et en ruine, sans eau ni électricité, lorsque Me François Papillard l’a acheté en 1964 pour en faire une résidence secondaire et surtout y accomplir un projet familial de rénovation patrimoniale.
L’histoire du lieu remonte au XIIème siècle et le château ainsi que le colombier sont ISMH. Michelet, dont la fille avait épousé Alfred Dumesnil, fils de la propriétaire de l’époque, y a écrit son Histoire de France à partir de 1870. La mémoire de l’écrivain est honorée à Vascoeuil avec le Musée Michelet et son cabinet de travail en haut de la tour du château.
Après avoir restauré complètement les différents bâtiments, ce qui lui valu un prix des chefs d’œuvre en péril, Me Papillard fut incité par ses clients et amis artistes à profiter de ce site pour y présenter des expositions d’artistes contemporains.
Vasarely ouvrit le ban en 1971, ce qui attira 10.000 visiteurs dès la première année.
Il fut suivi d’une longue cohorte, puisque deux ou trois expositions se tiennent chaque année dans les trois étages de la maison ou dans le colombier, qui ont attiré jusqu’à 35.000 visiteurs au pic de l’activité. Dali a été un des premiers artistes à pousser à l’ouverture au public de Vascoeuil et sa statue, La Victoire de la Liberté (1972), accueille le public près du Colombier.
Dans le parc, la collection permanente d’une cinquantaine de sculptures, signées de grands artistes modernes, constitue un autre pôle d’intérêt du domaine.
Vascoeuil est devenu une véritable entreprise, gérée depuis 2002 par Marie-Laure Papillard, qui a arrêté l’exercice de sa profession d’avocat, elle aussi, pour se consacrer à temps plein à la vie du domaine. Celui-ci occupe en effet jusqu’à 10 salariés à certaines périodes. Le parc à lui seul nécessite deux jardiniers à l’année, et deux à la belle saison.
La vie familiale des propriétaires ne se situe plus dans la partie ouverte au public, mais dans des chaumières situées de l’autre côté du Crevon. Cette entreprise doit innover en permanence, pour renouveler l’intérêt des visiteurs. Marie-Laure Papillard estime qu’une exposition sur trois au moins doit accueillir des artistes très connus, de façon à déplacer un large public.
Celui-ci aura envie de revenir pour d’autres expositions, même si les noms leur sont moins familiers, attirés par la réputation de qualité qu’a su acquérir Vascoeuil. Les derniers exposants, en 2010, ont été Chemiakin (dont la statue de Pierre Le Grand -1992- trône majestueusement dans le parc, derrière l’Homme Oiseau -1972- de Dali) d’une part, et Jean Maufay, peintre du Havre, d’autre part, ce qui a permis à Vascoeuil de bénéficier du label Normandie-Impressionnistes.
Les relations personnelles comptent énormément pour attirer des artistes connus, car ils sont souvent représentés par des galeries, qui ont l’exclusivité de leur production et ne voient pas forcément l’intérêt qu’elles auraient à déposer temporairement des œuvres coûteuses en un lieu où elles ont moins de chance d’être vendues.
On dit souvent que les Anglais rentabilisent leurs parcs par la boutique et le restaurant. L’expérience de Vascoeuil est intéressante, car la boutique a permis au début de vendre des œuvres éditées pour de très grands artistes sous forme de multiples.
C’est ainsi que par exemple Salvador Dali, Victor Vasarely, Leonor Fini ou Bernard Buffet ont vendus des lithographies, gravures ou petits bronzes. Mais ces œuvres multiples, d’un coût malgré tout significatif, ne se vendent plus guère.
Ce sont donc les livres, cartes postales, reproductions, produits locaux et articles d’artisanat qui se vendent bien. Quant au restaurant, il est apparu impossible à rentabiliser, si bien qu’il est ouvert désormais pour des groupes seulement, sur réservation et avec un traiteur extérieur, ou sous forme de salon de thé à la haute saison.
Une association, forte de 250 membres, soutient Vascoeuil, ainsi que certaines collectivités locales pour des animations spécifiques. Mais les écoles viennent peu, car elles ont du mal à trouver un budget pour les visites et le transport par car, et les œuvres présentées à Vascoeuil ne rentrent pas forcément dans les programmes de l’Education nationale…
Marie-Laure Papillard estime que les 20-25 ans s’intéressent moins au patrimoine qu’autrefois, et préfèrent voyager à l’étranger. Il y aurait ainsi plus de jeunes étrangers que de jeunes Français attirés par le site. Au total, avec environ 20.000 entrées maintenant, Vascoeuil est un « joli vampire », que la famille entretient par passion pour le site, l’art et le dialogue constant avec les artistes…
Les frais sont en effet de toute nature, y compris les patines des œuvres en bronze qui sont refaites tous les quatre ans pour des œuvres comme le pigeon de Pompon ou les œuvres de Antoniucci Volti ( comme Harmonie -1986- au bout de l’axe du jardin français, ou Chuchotements, près d’un massif de rhododendrons mauves) qui ont besoin d’être parfaitement lisses et brillantes. Le simple fait de rentrer la majorité des statues l’hiver pour les protéger des intempéries est à lui seul une lourde tâche…
Le jardin avait été créé à la française en 1774, puis remplacé par un parc à l’anglaise dessiné par Alfred Dumesnil, propriétaire des lieux entre 1850 et 1894. Des travaux de restauration ont été engagés sur les conseils de Philippe Niez et Claude Pasquer depuis 1995. Le parterre à la française a été refait et de nombreuses charmilles et topiaires installées, formes géométriques entre lesquelles se glisse par exemple l’Hexagone, en lave émaillée, de Vasarely.
Un grand soin est apporté aux facilités de circulation et à la lisibilité des étiquettes, ce qui a d’ailleurs permis au site d’obtenir le label Tourisme et Handicap. Le jardin à la française est sablé et il est projeté de supprimer les graviers de toutes les allées afin de faciliter la circulation des poussettes et fauteuils roulants.
Les projets ne manquent donc pas, tout comme les différentes manifestations, dont la liste est consultable sur le site www.chateauvascoeuil.com.
Benoît de Font-Réaulx
Nombreux renseignements sur la page dédiée au Parc du Château de Vascoeuil.