Restaurations du parc du château d’Heudicourt

L'allée cathédrale d'Heudicourt
L’allée cathédrale d’Heudicourt

La première chose qui frappe, en arrivant en face du château d’Heudicourt, c’est son allée-cathédrale bicentenaire de 1.100 mètres de long. Elle est bordée de chaque côté par une double rangée d’arbres, de tilleuls au loin, puis de platanes en approchant de la grille d’honneur. Ces 800 fûts, qui se rejoignent au-dessus de la route en dessinant des ogives, font penser à la nef d’une cathédrale, à ses bas-côtés et à des arcs-boutants à l’extérieur.

Cette allée a fait l’objet d’une création vidéo: Gothique frémissant, dans l’abbatiale Saint-Ouen à Rouen, en septembre 2013. Françoise Jolivet, sculpteur, et Roy Lekus, photographe/cinéaste, ont projeté sur la nef de cette vaste église des photos qu’ils avaient prises tout au long de l’année à Heudicourt, à toutes les saisons, à différents heures du jour et de la nuit et dans des circonstances atmosphériques variables. Cela leur a permis de transformer la voûte et les piliers de Saint-Ouen en une cathédrale végétale, par vidéo projection des images qu’ils avaient prises à Heudicourt. L’œuvre, qui tournait en boucle de 12 minutes retraçant un cycle annuel, était accompagnée d’une création sonore obtenue en retravaillant les bruits de la nature, des intempéries et d’animaux (www.gothiquefremissant.eu).

Abbatiale Saint-Ouen
Abbatiale Saint-Ouen

Au bout de la longue allée qui conduit à Heudicourt, on pénètre maintenant dans le château après  avoir contourné par la droite l’emplacement des anciens parterres de gazon. Ils sont visibles sur le plan de 1767 dressé par Louvet, arpenteur royal et qui est toujours d’actualité dans sa vision d’ensemble selon son ordonnancement géométrique « à la française« . Le domaine a été acheté en 1803 par le Comte Martin-Roch-Xavier Estève, qui avait accompagné Bonaparte dans sa campagne d’Egypte en tant que Directeur des Finances et qui devint Trésorier Général de la Couronne de Napoléon.

Plan de 1767
Plan de 1767
Plan 2014
Plan 2014

Peu après son acquisition, un projet d’aménagement a été proposé par Jean-Marie Morel (1728-1810), architecte paysagiste du Prince de Conti, selon le nouveau concept de « jardin à l’anglaise » dans lequel les formes les plus régulières et les plus géométriques ont été éliminées.

Plan 19è siècle
Plan 19è siècle

Certains aménagements paysagers antérieurs ont été conservés, comme le Rondde Carrosses, au sud-ouest du château. C’est une clairière d’une cinquantaine de mètres de diamètre, formant un bosquet au milieu de la partie boisée du parc. Cet endroit permettait aux chevaux de se détendre avant d’être attelés à nouveau et de repartir avec les invités de marque du château.

D’autres éléments, comme les cèdres du Liban, très prisés à la fin du XVIIIème siècle, ont été plantés à l’occasion du sacre de Napoléon en 1804. Ce projet, finalement non réalisé, illustrait dans l’art du jardin une évolution allant d’un naturel contrôlé au naturel le plus relâché, avec des liaisons harmonieuses et bien aménagées entre les espaces.

La tempête de 1999 a détruit plus de 300 arbres du parc et a conduit les propriétaires, Yves et Béatrice Estève, à accélérer la restauration en cours, à un moment où les grands arbres plantés au XVIIIème siècle étaient de toute façon en fin de vie. Une étude a été réalisée en 2000 par le paysagiste Georges Hayat, avec le concours de l’Association Régionale des Parcs et Jardins de Haute-Normandie. A l’issue de ces réflexions, il a été décidé de replanter la partie boisée du parc et de reconstituer les grands alignements du XVIIIème avec des essences beaucoup plus variées qu’autrefois.

Le rond-point de la Vierge
Le rond-point de la Vierge
Allée d'Acer Cappadocicum Aureum en automne
Allée d’Acer Cappadocicum Aureum en automne

De nombreuses allées ont été  replantées, avec 400 arbres d’alignement et des centaines d’arbustes, choisis pour leur intérêt esthétique pour garnir les différents bosquets. En plus des classiques tilleuls, chênes, charmes et hêtres, de nombreuses variétés d’érables (acers), fusains (eleagnus),  viornes (viburnum), cornouillers (cornus), orme de Sibérie (zelkova serrata) et bouleaux (betula) … permettent de découvrir, encadrés souvent par des charmilles, des allées ensoleillées et d’aspects variés.

J’ai eu l’occasion de constater au début 2011 combien la cour d’honneur était encombrée par des ifs et des tilleuls qui fermaient les vues, vers et depuis le château. Certains arbres, plantés tout contre les murs des douves,  présentaient des risques pour ces murs.  Il était souhaitable de supprimer ces écrans qui limitaient la majesté de l’ensemble du site.

Ceci a été fait et les deux photos de la cour d’honneur, prises avant et après les travaux, montrent combien la suppression des arbres a permis de retrouver une vue globale sur l’entrée du parc, en profitant aussi de la présence de l’église du village.

Cour d'honneur en 2011
Cour d’honneur en 2011
Cour d'honneur en 2014
Cour d’honneur en 2014

Yves Estève a profité de l’espace dégagé pour créer à partir de 2013, de l’autre côté des douves sèches,un cloître de verdure en charmilles.

Projet de cloître de verdure
Projet de cloître de verdure
Cloître de verdure et plantation
Cloître de verdure et plantation

Le parc d’Heudicourt est un exemple de site ancien, dont de nombreux aspects classiques ont été conservés et simplifiés. L’abattage d’arbres, accidentel du fait des tempêtes, ou volontaire pour retrouver des perspectives obscurcies, a permis de créer de nouveaux centres d’intérêt.

Benoît de Font-Réaulx et Yves Estève
Date de publication : 2015

Ce parc, ainsi que le château, sont ouverts au public. Retrouvez toutes les informations sur la page dédiée au château d’Heudicourt.

Heudicourt est dans l’Eure, à 12 km au nord-ouest de Gisors.

Yves et Béatrice Estève
Yves et Béatrice Estève