Restauration du potager d’Acquigny

– Entretien avec Adrien Boullier, jardinier –

Chateau d'Acquigny

Le potager du château d’Acquigny, près de Louviers, revêt une particularité très singulière : loin du château construit vers 1557, il est isolé sur une île artificielle, entre l’Eure et l’Iton, entièrement caché par  ses hauts murs en briques roses chapeautées d’ardoises fixées sur une charpente de chêne. Ces murs, ont été restaurés en 1999 par Bertrand et Agnès d’Esneval, qui conservent et améliorent patiemment l’ensemble du domaine, demeuré dans la famille depuis 1656.

Il a fallu utiliser des vérins hydrauliques pour redresser certains murs du potager, hauts de 2,5 à 3 mètres selon les endroits, puis les stabiliser avec des poutres en béton enterrées. Tandis qu’une partie du mur ouest a dû être reconstruite entièrement.

Les murs autour du potager d'Acquigny

Le parc de 15 ha a été aménagé au XVIIIème siècle et planté de nombreux arbres exotiques. A partir de 1802, l’eau a été utilisée à grande échelle, permettant la création de rivières artificielles et de cascades.

Le potager est actuellement en complète recréation. On y faisait les foins jusqu’en 1995,  mais depuis une dizaine d’années  les d’Esneval ont à cœur de créer des plates-bandes de fleurs, de légumes et de plantes médicinales ou condimentaires.

La tâche est immense, à l’aune des dimensions du potager : 98 mètres de long par 56 mètres de large pour le potager actuel, et à l’Ouest, un ancien verger, également entouré de murs sur trois côtés, qui mesure près de 56 par 25 mètres. Près de trois quart d’hectare au total ! Des arbres fruitiers palissés et des buissons de petits fruits et du gazon occupent les espaces non encore aménagés, mais des plans existent, ce qui promet de nouvelles découvertes lors de prochaines visites.

Potager d'Acquigny
Plan de l'état actuel du potager d'Acquigny

Le plan ci-contre montre à dessein les seules réalisations actuelles, afin de ménager les surprises à venir…

Le potager, comme le reste du parc, est depuis 2005 sous la responsabilité d’un jeune jardinier-botaniste, Adrien Boullier, à qui notre association avait remis un prix en 2010 pour son travail à Acquigny.

Cet immense espace était au XVIIIème siècle un verger, avec des arbres en espalier et contre-espalier, et de nombreux pommiers et poiriers de plein vent taillés en pyramides et quenouilles.

Le grand carré qui est maintenant en place comprend en particulier des plantes condimentaires, y compris des pavots dont les abondantes graines peuvent être utilisées dans le pain, comme le font couramment les Russes. Des rondelles débitées dans un tronc de séquoia servent de pas japonais pour aller récolter les plantes.

Les plantes médicinales - Potager d'Acquigny

Ensuite un carré abrite des plantes médicinales classées selon les traitements qu’elles permettent : insomnie, dermatologie, et bientôt les problèmes de cœur, de sang ou de reins.

Les carrés actuels - Potager d'Acquigny

Plus loin de nombreuses cucurbitacées attirent l’œil : une citrouille géante atlantique a atteint ici le poids respectable de 50kg

La terre est recouverte de 2 cm de paillettes de lin, qui reste blanches.

Les branches broyées sont aussi largement utilisées : elles ont l’avantage d’être produites sur place. Ces broyats sont mis en couche de 4 cm et sont intégrées à la terre en retournant la couche superficielle au bout de deux ans.

Poirier à 29 branches - Potager d'Acquigny

Le compost est produit sur place en grande quantité : les feuilles ramassées au tracteur l’automne sont stockées en un très grand tas (deux mètres de haut)  qui se décompose progressivement, sans soins particuliers.

Le tas est alimenté à une extrémité et l’autre est reprise, trois ans plus tard, une fois transformée en compost. Un grand  rectangle de grillage à poules mis à 45° permet de tamiser le compost, pour en séparer les graviers et les déchets non décomposés.

Bordures en saule - Potager d'Acquigny

Autour du potager, l’entretien des berges de la rivière est une tâche de longue haleine. Il faut à la fois les protéger de l’érosion et des ragondins…La technique  utilisée pour le petit canal séparant  le potager de l’ancien verger est traditionnelle: Des boutures de saule sont plantées en biais, de façon à se chevaucher et dessiner une sorte de grille, qui maintient contre la berge un grillage à poules que les ragondins ne pourront forcer.

Des cannes de bambou maintiennent les tiges de saule en place. La première année, du tout venant et des graviers (dont ceux qui ont été récupérés en tamisant le compost) sont mis au fond. Puis ils sont recouverts de la vase obtenue en curant des pièces d’eau. Après trois ans, de la terre est enfin mise en place, et recouverte de paillis pour limiter le développement des mauvaises herbes.

En revanche pour les autres canaux, qui sont beaucoup plus larges, des pieux de châtaignier sont enfoncés tous les 50 centimètres et reliés par des pieux fendus attachés par des tirefonds.

Le parc et les jardins du château d’Acquigny sont ouverts entre avril et octobre. Nombreux renseignements sur la page dédiée au château d’Acquigny.

Benoît de Font-Réaulx