C’est un jardin caché, créé par Bertrand Levasseur et son épouse, qui se découvre derrière une grande hêtraie cauchoise et une maison moderne construite en 1981, sur un ancien herbage autrefois planté de quelques pommiers, aujourd’hui supprimés.
Avec ses cent mètres de longueur et trente mètres de largeur, il a été façonné par son propriétaire comme un labyrinthe à surprises dans lequel ce dernier éprouve un malicieux plaisir à s’enfoncer.
Le promeneur en balade jure que l’espace est grand et large, trompé par les massifs buissonnants de magnolias, rhododendrons et azalées, et les arbres à mi-hauteur (différents cornus, à fruits, à fleurs, des acers délicats, à feuilles blanches, à feuilles d’aconit rouges en automne, à peau de serpent ou à cannelle), taillés en transparence et qui laissent toujours deviner un autre bosquet par-delà leurs branches aériennes.
Il sera tenté de s’asseoir dans un salon protégé par des viburnums roses pâles, à fruits rouges, des deutzias ou d’un zenobia parfumé, sur des bancs entourés de fuchsias du Cap, de tapis de bugles bleus ou d’hellébores en hiver, sous des arches couvertes de clématites, suivi par un ou deux des chats de la maison. Et ce, jusqu’au fond où un talus d’hydrangéas, devant des pins méditerranéens, forme des marches en escalier vers un lointain secret.
Finalisé en 2007, le jardin est aujourd’hui en pleine maturité. Proche de Varengeville, Bertrand Levasseur n’a pas eu besoin de changer ou d’améliorer la terre, riche et acide, comme celle du Bois des Moutiers, son voisin, ou du jardin de la princesse Sturdza qui lui a prodigué quelques conseils au départ.
Originaire de la ville de Dieppe, il a tout appris en jardinage avec ce jardin, dans lequel bien sûr il reconnait des erreurs: une haie de cyprès qu’il regrette du côté ouest, des rhododendrons trop envahissants, une haie vive remplacée par des hydrangéas, quelques plantes orangées dont il n’aime plus vraiment la couleur et des sujets qu’il a dû déplacer car plantés à des endroits peu appropriés.
Mais le jardin est à son image : précis et méthodique, comme l’était son métier de prothésiste dentaire. Pas convaincu par le paysagiste qu’il avait d’abord consulté, Bertrand Levasseur a dessiné lui-même, avec un tuyau d’arrosage posé au sol, les massifs concaves et convexes,l’extrémité du jardin ayant disparu dans une perspective sans fin rythmée par une allée serpentine.
Bien sûr, il s’est plongé dans des ouvrages, s’est abonné à des revues, a parcouru les expositions horticoles, fait des kilomètres dans les pépinières de la région, mais il n’a jamais cédé à ce qu’il appelle « la plantomanie ».
Il n’est pas à la recherche de la plante rare, il n’a pas le goût de la collection. Il cherche la cohérence, un arbre pour une place déterminée et non une place pour un arbre acheté sur un coup de cœur dans une foire. Il a aussi choisi ses plantes pour avoir des floraisons toute l’année, et il a ses préférences.
Il n’est pas fanatique des rosiers par exemple, qu’il trouve un peu rigides et qu’il dispose de façon ponctuelle dans les massifs, mais il aime particulièrement les cornouillers à fleurs dispersés en ponctuation comme des notes de musique: cornus neigeux éclairant une zone d’ombre, à fleurs crèmes ou roses, et les hydrangéas qui constituent sa palette estivale, offrant toutes les teintes d’ombelles ou de boules fleuries.
Aujourd’hui, le jardin peut donner à tous lesvisiteursdes idées de plantations, par la profusion d’arbres et de plantes que l’on y admire toute l’année : explosion des fleurs à bulbes et des magnolias en hiver, les rhododendrons au printemps, suivis par les azalées, puis en été les fleurs des hydrangéas, les feuillages des acers, puis à nouveau l’hiver avec les tapis d’hellébores ou de perce-neige…
Utiles aussi sont ses idées d’agencement pour agrandir un espace, ainsi que ses méthodes de jardinage: plantation, calendrier des tailles, amendement par son compost d’un jardin qu’il entretient tout seul. Il n’a qu’un regret, celui de n’avoir pas créé un bassin au départ. On s’en passera facilement, tant l’accueil chaleureux du propriétaire et la beauté du jardin en font les atouts d’une visite incontournable.
Charlotte Latigrat
Photos : Alain Gardeur et Bertrand Levasseur
Le jardin Les hêtres se visite sur rendez-vous tous les jours sauf les lundis et vendredis, du 15 mars au 30 septembre, de 14h 30 à 18h 30. Entrée 5€
Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardin Les Hêtres.