Le potager de l’Abbaye de Saint Georges de Boscherville

Les premières traces d’une présence religieuse sur le site remontent au Ier siècle avant Jésus-Christ. Un temple y est successivement agrandi puis abandonné au IVème  siècle. Les ruines sont converties en chapelle funéraire chrétienne au VIIème siècle.

Une collégiale est construite en 1050 puis démolie pour laisser la place à l’actuelle église abbatiale de style roman (XIIème siècle).

Abbaye Saint Georges de Boscherville
Abbaye Saint Georges de Boscherville

Le jardin médiéval : C’est à partir de cette époque qu’un potager, l’endroit où l’on cultive « les herbes à pot  » pour la confection du potage, prend place en assurant différentes fonctions :

  • Jardin nourricier qui devait assurer l’alimentation des moines en légumes, fruits et plantes condimentaires,
  • Jardin médicinal, en général situé près de l’infirmerie, également appelé jardin des simples, à base de plantes aromatiques et herbes médicinales, éléments de transmission du savoir.
  • Jardin bouquetier, qui servait à décorer les autels et accompagner les cérémonies, témoignage du souci d’embellissement que l’on retrouve dans les enluminures des manuscrits.
  • Jardin pédagogique pour montrer comment il faut faire, fonction fondamentale d’enseignement et d’échange.

Le potager est devenu « un enclos du savoir entouré de l’ignorance du monde ». Enfin, le potager remplit une fonction religieuse : lieu de salut pour le corps et l’esprit, il devient un lieu de méditation pour apprécier tout ce que Dieu a créé.

On est conduit à une préfiguration de ce que serait le Paradis Céleste, souvenir du Jardin d’Eden, à condition d’avoir mené une vie sans péché. C’est ainsi que les carrés sont articulés autour d’une croix centrale.

Vue plongeante à l'abbaye Saint-Georges
Vue plongeante à l’abbaye Saint-Georges

 La restructuration mauriste : Le jardin que l’on découvre est celui qui a été construit par les moines mauristes à partir de 1683. Le jardin médiéval d’origine a été considérablement agrandi derrière le bâtiment abbatial, s’inspirant de l’influence des jardins italiens, mais adaptés au goût plus sobre des français.

Le parc, ordonné autour d’un axe central, est étendu sur environ 4ha divisés en quatre terrasses :

Pour l’utilitaire :

  • Au niveau 1, le potager proprement dit qui compte 14 carrés et 2 rectangles répartis sur environ 1000m²,
  • Au niveau 2, le verger,

Pour le loisir :

  • Au niveau 3, le jardin d’agrément,
  • Au niveau 4, le bosquet de charmes et tout en haut, le pavillon des vents qui était dédié à la méditation et aux observations astronomiques

C’est ainsi que le parc donne aujourd’hui l’aspect d’un jardin à la française.


Si le jardin médiéval évoquait la possibilité de domestication de la nature par l’homme, au XVIIème siècle, dans le contexte de la Contre- Réforme, il faut manifester le pouvoir religieux, comme Versailles montrait le pouvoir sur le Royaume.

Le jardin du cloître reprend l’idée de la croix avec les quatre allées, rivières du Paradis, convergeant vers le bassin ou le puits au centre, « source de vie ». Les recherches archéologiques et excavations pratiquées sur le site ont révélé les traces d’un cloître que l’on a restauré sur un côté, et reconstitué en végétal de charmilles sur les trois autres. Des haies d’ifs l’entourent en reconstituant d’anciens murs. Au milieu,  un superbe massif de rosiers iceberg resplendit en saison.

Après une longue période d’abandon, la restauration a commencé en 1998 à partir de plans et documents d’archives témoignant du passage du jardin médiéval au jardin à la française, en particulier deux illustrations issues du « Monasticon Gallicanum » et des travaux de François Roger de Gaignières

Vue ancienne de l'abbaye St Georges
Vue ancienne de l’abbaye St Georges
Monasticum Gallicanum
Monasticum Gallicanum

Le jardin actuel : La restauration  a été menée sous la responsabilité de l’architecte des monuments historiques, Monsieur Mouffle, et le talent de Louis Benech.

Aujourd’hui, l’entretien du parc est assuré par une équipe de 14 à 28 salariés dans le cadre d’un chantier d’insertion, contrats de 6 mois reconductibles jusqu’à 24 mois maximum à raison d’un temps partiel de 26h par semaine. Ils sont encadrés par deux salariés à plein temps dont un diplômé « d’encadrement technique » en la personne de Serge Conreur, qui gère la partie jardinage. Cette gestion revêt un aspect social très stimulant, puisqu’il s’agit d’amener les « apprentis » à retrouver confiance et dignité au contact de la nature, ce qui n’est pas sans demander une forte énergie de tous les instants de la part des responsables.

Activité pédagogique : Sa collègue, Michèle Lecart, s’occupe de toute la partie pédagogique du site, qui retrouve ainsi la mission d’enseignement implicite d’autrefois en y intégrant aujourd’hui la diffusion des valeurs écologiques. Elle est menée auprès de tous les jeunes, que ce soit auprès des primaires, en très forte augmentation, mais aussi auprès des collégiens, « bacs pros » et BTS. On a compté 2.374 visiteurs scolaires en 2011, soit une augmentation de 37% par rapport à 2010.

Entretien du potager : Tout est produit et/ou récupéré sur place. Pas un gramme de désherbant ou de produit chimique n’est utilisé dans le parc. Ici on pratique le « zéro chimique », un exemple décidé dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ».

L’alternance fleurs-légumes est pratiquée, avec rotations et jeux d’association de plantes  (œillets d’inde contre la mouche de la  carotte,  les capucines contre les pucerons noirs par exemple).

Le souci de l’esthétique joue à la fois sur les formes et sur les couleurs

Une plante pour laquelle Serge Conreur manifeste beaucoup d’intérêt est le cardon, pour l’esthétique de ses couleurs et sa structure végétale  Pour le futur, Serge Conreur compte continuer la mise en place des haies basses de buis sur le modèle de celles créées par la famille Mollet au XVIIème siècle, les buis représentant la rigueur de l’ordre géométrique par opposition au « désordre satanique »  des fleurs ; et aussi en poursuivant ce développement dans l’optique de l’association des plantes et l’utilisation des insectes auxiliaires.

Une nouvelle méthode de travail à partir de dessins sur une adaptation de papier millimétré assure la maîtrise totale des implantations et facilite la mobilisation des équipes.

Grâce à une promotion bien menée et à un site internet bien conçu, (www.abbaye-saint-georges.com), Saint Georges de Boscherville peut s’enorgueillir de bons résultats avec 28.000 visiteurs en 2011 dont près de 5.700 étrangers avec par ordre décroissant : Allemands 25.7%, Belges 17.7%, Anglais et Irlandais 15.8%, Italiens 15.6, Néerlandais 6.4%, Espagnols 5.9%.

Tout le travail de restauration, d’entretien et de mise en valeur du site trouve sa récompense dans cette fréquentation de qualité, aussi bien au niveau national qu’international, qui en fait le 2ème jardin le plus visité en Normandie.

Propos recueillis par François d’Heilly auprès de Serge Conreur, jardinier, Michèle Lecart, responsable pédagogique et Danielle Pytel, guide bénévole pour le jardin et formatrice des futurs guides.

Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardins de l’abbaye Saint-Georges.