Le jardin potager « Arc-en-ciel » du château de Bosmelet

Ma femme Laurence et moi avons repris le Bosmelet en 1987, au décès de ma mère. Après de  longues réflexions, nous avons décidé de l’ouvrir au public. La reconstruction du château après les bombardements de la 2ème guerre mondiale aurait été susceptible de fournir un thème pour les visites, mais nous avons décidé de nous appuyer sur une autre caractéristique  spécifique de notre site : son environnement majestueux.

Vue aérienne - Bosmelet

Nous possédons encore les deux  projets  pour le parc, présentés en 1715 par Colinet (ancien premier jardinier de Le Nôtre à Versailles) au Duc  de la Force, qui avait épousé Mademoiselle de Bosmelet en 1698.

Les grandes lignes, qui comprennent un ‘Tapis Vert’ sur plus 2 km, ont été plantées et elles subsistent. Le jardin potager de deux acres (8.093 m²) figure déjà à l’emplacement actuel, sous la protection de la double avenue des tilleuls tricentenaires qui culminent à 39 mètres de hauteur, dont il reste 161 sujets. En outre, contrairement aux éléments bâtis qui restent figés entre les campagnes de restauration, un jardin change au fil des saisons et peut donc être visité plusieurs fois par an, en offrant un nouveau tableau à chaque visite.

Juriste de formation, cadre dans la fonction publique et Parisienne d’origine, Laurence a approché le jardin avec le manque de préjugés d’une autodidacte. C’est ainsi qu’elle s’est servie du jardin potager pour exprimer son intérêt pour la décoration et son talent pictural, en créant la nouvelle discipline de  «Chromo styliste Végétale».

Plan du jardin - Bosmelet

La genèse du jardin actuel est expliquée dans un propos repris d’une des conférences que Laurence a préparées pour les ateliers de jardins secrets, proposés par le Conseil Général de Seine-Maritime en 2011 :

«  Le jardin potager du Bosmelet est historiquement un jardin nourricier »

Une de ses fonctions essentielles a bien été de produire légumes et fruits pour la consommation du château, jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Après les bombardements alliés, la baronne Diana de Bosmelet (ma future belle-mère) a commencé la remise en état du domaine en replantant quelques 3.400 arbres et en restaurant le jardin potager :

  • Le jardin d’agrément par la création de mixed borders.
  • La création du potager dans une partie reculée du jardin, par la constitution de planches de légumes, destinés à la  consommation du château.

Le potager, jardin utile et vivrier, a été jusqu’à un passé proche opposé au jardin d’agrément, destiné au plaisir de la contemplation. A mon arrivée au Bosmelet, j’entame une démarche qui consiste à inverser la priorité existante entre le jardin d’agrément et le potager et à donner au potager des lettres de noblesse en imbriquant les légumes de l’un dans les fleurs de l’autre et en créant une thématique de la couleur pour l’agencement d’un potager ornemental.

Potager - Bosmelet

C’est ainsi que par petites touches de légumes et de fleurs, je construis la mosaïque pointilliste du tableau végétal appelé ‘potager Arc-en-Ciel’.  Pour ce faire, je divise le terrain en quatre carrés de couleur, à l’intérieur de chacun desquels je dessine une alternance de lignes de légumes et de fleurs.»

Ce qui a intéressé les amateurs de jardins – à commencer par le jury du Chelsea Flower Show qui nous a décerné une médaille d’or en 2000 – est le « transfert de technologie » qui a consisté à fusionner l’esthétique et le nourricier, en  mélangeant fleurs et légumes, soulignant ainsi  l’intérêt structural et décoratif des légumes, ceux-ci dépassant alors leur rôle simplement nourricier.

Potager - Bosmelet

Partant de ce constat, l’idée d’ordonnancer un jardin avec comme fil conducteur  la couleur a amené à découvrir des variations de plantes que nous ne soupçonnions pas : Les 19 variétés de choux bien sûr, mais aussi toute une gamme de basilics, ou encore de capucines qui deviennent plantes compagnes des haricots et des tomates… toujours agencés dans une palette de camaïeux… que l’on va retrouver dans l’assiette cuisinée avec le même souci d’harmonie chromatique.

Assiette de légumes du potager - Bosmelet

Soucieux de partager notre ‘bon goût’, nous avons initié des ateliers de cuisine chromatique pour adultes avec l’aide d’une toque reconnue. Très vite, grâce à l’aide indispensable d’une grande amie de l’association des Amis du Bosmelet – directrice d’école à la retraite – nous avons élargi ces ateliers aux enfants qui apprennent ainsi à choisir, cueillir, préparer, cuisiner et goûter des fleurs comestibles. Pour garder le souvenir de cette journée au jardin, les enfants reçoivent un diplôme de «gastronome buissonnier».

Ayant reçu près de mille enfants en 2011, nous constatons que le jardin apporte une ouverture à de nouveaux goûts et couleurs pour une population de plus en plus urbanisée, ignorante de l’origine des fleurs, des fruits et des légumes qui les entourent. La plus belle preuve (et récompense) de cet éveil nous a été donnée dans un magasin local lorsqu’au moment d’encaisser nos courses, la caissière a montré à Laurence un enfant au fond du magasin qui, la voyant entrer, s’est précipité vers la caissière en disant: « tu vois, c’est la dame du château qui nous fait manger des fleurs ».

Potager - Bosmelet
Potager - Bosmelet

Avec l’aide, et surtout l’adhésion de notre seul jardinier, Jean-Pierre, Laurence continue à découvrir de nouvelles variétés de fruits et légumes, à expérimenter de nouvelles associations de plantes « amies », d’observer l’attirance de certains insectes pour certaines couleurs, d’appliquer les principes d’allélopathie pour évoluer vers la lutte contre les nuisibles du jardin  sans recours aux produits chimiques. Cette remise en cause permanente amène la « chromo styliste végétale » à repenser les plantes constitutives de chaque camaïeu tous les ans.

Laurence-de-Bosmelet

En 2012, le renouveau va être encore plus radical car la structure même des ‘carrés de couleurs’ va être changée pour permettre d’appliquer le principe des cultures associées en se rapprochant de la méthode de Gertrud Franck qui vise à une meilleure exploitation du terrain par des cultures intercalaires. Le but des cultures associées est de générer des interactions biologiques bénéfiques entre les plantes.  

Accompagnant le renouveau du jardin potager en France depuis une quinzaine d’années et forte d’une quarantaine d’adhérents « l’Association des jardins potagers et fruitiers de France » vient d’être créée pour remettre cette discipline à la place d’honneur qu’elle occupait sous Louis XIV. Notre jardin potager « Arc-en-Ciel » y tient sa place et nous espérons vous accueillir en 2012 pour apprécier l’apophtegme d’Auguste Rodin que Laurence aime souvent à citer :
“ Un art qui a de la vie ne reproduit pas le passé, il le continue”.

Robert de Bosmelet
www.chateau-de-bosmelet.fr
Château de Bosmelet, 76720 Auffay

Nombreux renseignements sur la page dédiée au château de Bosmelet.