C’est un havre de paix dans une nature riante, faite de vallons boisés et verdoyants.On y ressent cette vibration particulière aux sites très anciens, habités et disputés depuis la nuit des temps.
C’est là qu’une famille vit depuis près de quatre siècles.Elle fut fameuse en son temps, donnant naissance à Pierre et Thomas Corneille, Fontenelle, mais aussi à Pierre Le Pesant de Boisguilbert, pionnier de l’Économie Politique. C’est le grand-père de ce dernier qui fit construire en 1625 un premier manoir dont subsistent deux élégants bâtiments, proches du nouveau château construit sous Louis XVI.
Imaginons maintenant un très jeune homme, Jean-Marc de Pas, qui en hérite en 1983.Il y a passé toute son enfance et reste habité par la poésie du lieu.Son esprit est vagabond, son imagination fertile, mais les idées ne suffisent pas : ses mains, aussi, se veulent créatrices. La nature est matière. L’argile du sol, le bois de la forêt ne peuvent-ils pas prendre vie, entrer dans le concert de ses pensées en une sorte d’hymne à la création?
Ainsi naquit Le Jardin des sculptures de Bois-Guilbert. Jailli d’emblée et pour ainsi dire abouti, d’un simple rêve de jeune homme.
Les débuts ne sont jamais faciles… Que faire, sans le sou, d’une vieille demeure entourée de sept hectares de prairie à moutons ? Mais Jean-Marc de Pas sait où il va. D’entrée de jeu, il s’attaque à la grande allée périphérique de 800 mètres, recueillant dans les bois voisins des milliers de baliveaux qu’il plantera de ses mains, non sans déjà rythmer savamment essences, tailles et couleurs.
Il s’impose aussi une exigeante formation, depuis l’ébénisterie, la prestigieuse Ecole Boulle, les Beaux-Arts de Paris jusqu’au Doctorat à la Sorbonne, sous la forme d’une thèse sur la création, qui se lit comme un poème…
C’est en 1989 que Jean-Marc de Pas installe son atelier au cœur du domaine. Très vite, l’ancienne charreterie s’emplira de multiples formes, ébauches ou chimères fantasmagoriques.Près de soixante-dix sculptures viendront peupler le jardin, formant un ensemble unique de création paysagère.
Chacune conçue dès l’origine pour telle niche, tel recoin, tel détour, éminence ou perspective… Le parc épouse les œuvres comme les œuvres structurent et donnent du sens au parc.
Même si l’ordre est savant, le promeneur vagabonde en grande liberté. Le parc offre à tout moment une suite d’invitations, d’images, de représentations symboliques, qui se reflètent dans ses propres émotions et pensées.
Alors, les œuvres, pourtant pétrifiées, reprennent une vibration au gré des lumières tamisées ou intenses, des pluies, des brumes, des vents et des saisons. Alors s’installe entre elles et les éléments du paysage un jeu subtil qui leur donne apparence de vie. Les attitudes et surtout les extraordinaires regards sont la marque de l’artiste. Entrecroisés, échangés, tantôt profonds tantôt complices, ils dialoguent avec ciel, arbres, haies, parterres, porteurs de multiples messages et suggestions. Couples tendres et rêveurs, fixant de concert les horizons ; personnages frappants, pénétrants, émouvants ou facétieux qui surprennent au coin de la haie ou du bois…
Notre promeneur est entré dans un monde étrange, végétal et minéral, visible comme invisible. Mais ce monde est aussi entré en lui. C’est à chaque pas une bouffée inattendue de bonheur de poésie, de surprises…
Aucun risque de se perdre dans le labyrinthe, au cœur d’un vaste cercle de bouleaux : juste un moment préservé pour contempler le ciel. Puis s’enchaînent, en un lien savant, les étranges ambiances du Cloître Végétal, des Quatre Saisons, des Quatre Eléments. Alors surgissent les Femmes des Cinq Continents, saisissantes de grâce et de beauté dans leur gravité même.
Le véritable maître des lieux c’est le Temps…Temps Court, fait d’aurores, crépuscules et saisons, qui coule avec douceur ou rudesse, mais aussi Temps Long fixe et immuable, inscrit dans les paysages célestes. Nous sommes au cœur de l’imaginaire de Jean-Marc de Pas.
Le Jardin magnifie le Monde Vivant : tout ce qui se décompose se recompose ; toute fin est un commencement, tout commencement est un espoir… Mais règne au-dessus un Ordre Naturel immuable, comme la pierre ou le bronze, qui fixe le destin de tout être.Dans le désordre des choses existe un lien indéfectible. Et c’est tout l’art de la vie que de le percevoir.
Mais se prépare une nouvelle aventure…. Plus de vingt barques végétales de trente mètres vont voguer de concert au long de 22 hectares nouveaux. Elles retraceront la grande histoire de la vie depuis l’énigmatique Big Bang initial jusqu’au mystère tout aussi épais que sont les temps futurs… “Il faut parler aux Hommes“ disait Saint-Exupéry…
Une telle œuvre se partage… Le Jardin ouvre au public en 1993, sous l’égide d’une association vouée dès l’origine à la Nature, l’Art et l’Histoire.
Nature, l’Art et l’Histoire. En 2005, Stéphanie de Pas rejoint l’aventure, en totale symbiose avec l’auteur comme avec l’œuvre, apportant la sensibilité de son regard et ses talents de communicante et d’organisatrice.
C’est alors une nouvelle dynamique. Bénévoles et salariés contribuent avec enthousiasme à animer, embellir le parc, à lui donner aussi du sens et de l’utilité sociale.Chaque année, 6000 enfants participent aux ateliers de modelage et de Nature. 15.000 visiteurs viennent et reviennent. Des réseaux de fidélité et d’amitié se greffent sur les lieux…
Depuis 1999, une magnifique Biennale de sculpture réunit une trentaine d’artistes de talent, de juillet à octobre. Le jardin et les salons du château célèbrent alors pendant quelques mois la sculpture sous toutes ses formes. Une telle création, voulue passionnément par Jean-Marc et Stéphanie de Pas, peut-elle avoir un destin ordinaire ? Certainement pas. C’est une Fondation qui à terme recevra l’ensemble du jardin, des œuvres et des bâtiments, afin de poursuivre leur chemin…
Chaque enfant, chaque personne en recherche ou en devenir pourra ainsi se rendre en ce lieu d’exception. Et se dire, tel le Petit Prince, au-delà de toutes époques, et de toutes conditions, que chacun peut encore rêver, imaginer, modeler librement la planète qui est en lui…
Jean-Luc de Feuardent, Président de l’Association Le jardin des Sculptures, château de Bois guilbert
Bois-Guilbert est à 6km de Buchy, à mi-distance entre Rouen et Forges-les-Eaux. Le jardin des sculptures est largement ouvert au public et organise de nombreuses activités , tant dans le jardin que dans le château. Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardin des sculptures du château de Bois-Guilbert