La Ferme des Templiers – Manoir de l’Aumonerie

Manoir de l'aumonerie
Manoir de l’aumonerie

Le jardin du manoir de la Ferme des Templiers à Saint Martin de Boscherville,  nous transporte au moyen âge : Henri 1er Beauclerc, roi d’Angleterre et duc de Normandie qui résidait souvent dans son domaine de chasse de Sainte Vaubourg, avait donné vers 1150 à l’un de ses chambellans, Roscelin fils de Claremboud, l’ensemble des terrains qui jouxtaient le bois voisin de Haut-le-Bur. 

Il en reste l’enclos actuel, merveilleusement protégé. Il est encore presque intact dans ses limites, ses bâtiments et son puits. Les constructions les plus anciennes : le manoir et ses cheminées gothiques, ainsi que le puits de 300 pieds,  sont du début du XIIIème siècle et n’ont subi aucune transformation depuis 800 ans.

Les  Templiers, puis les Hospitaliers, y avaient aménagé un lieu d’accueil, avec un jardin riche de plantes médicinales et aromatiques propres à dispenser des soins attentifs aux passants. 

Au cours de la première moitié du XVème siècle, après la guerre de Cent Ans, l’ensemble a vécu quelques transformations. Les moines, en quête de nouveaux revenus, sont arrivés. Le lieu devient le Manoir de l’Aumônier puis se transforme en Ferme de l’Aumônerie, louée par les moines à des paysans jusqu’à la Révolution. La chapelle de Saint Gorgon en fait un lieu de pèlerinage et la ferme devient une ferme « modèle » pour les greffes d’arbres fruitiers. Le colombier à pied, qui était présent dans tous les domaines, est démoli. Le four à douillon a été amputé de son cul. Les constructions se sont enrichies d’un pressoir, d’une charreterie et de divers bâtiments agricoles.

En 1970 l’exploitation s’arrête. Les bâtiments ne trouvent pas preneur. Le tout devait être démoli pour agrandir le lotissement voisin lorsque nous avons  découvert cet ensemble, abandonné depuis de longs mois. J’aime les jardins, les pierres blanches et le soleil. Mon mari est architecte du Patrimoine.

 Nous nous sommes mis à l’œuvre et avons commencé des recherches dans les archives de l’abbaye. La composition de l’ensemble est retracée, les pierres consolidées, les cheminées restaurées, la terre tamisée, les orties et ronces sont arrachées, le chemin du pèlerinage est rétabli, prêt pour accueillir les visiteurs. L’emprise foncière de l’enclos manorial dit « ferme des Templiers » a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques : en 1974 pour les bâtiments et en 1999 pour la totalité de la parcelle d’origine, sol et sous-sol.

Le jardin a retrouvé un caractère médiéval, avec ses différentes composantes :

  • Un jardin de « simples », qui étaient destinés à préparer des remèdes : plantain, pavot, rue, aconit…
  • Des légumes, connus dès l’époque de Charlemagne en 800 : fèves, crambes, panais ou des mongettes (qui ressemblent à des haricots).
  • Des petits fruits rouges, qui permettaient de faire des tartes pour les moines et les pèlerins.
  • Des fleurs pour l’autel : œillet, iris, roses.
  • Des épices, dont la plus précieuse était le safran, rapporté des croisades, qui évoque le souvenir de ces moines soldats qui ont parcouru les pays chauds de l’Orient.
  • Des plantes tinctoriales, comme le pastel et la garance.
Jardin médieval - Manoir de l'aumonerie
Jardin médieval – Manoir de l’aumonerie

Des arbres fruitiers et notamment les poires « bon curé », pour faire les tartes que l’on servait après la messe et à de nombreuses occasions.

Chacun sait que l’eau joue un rôle primordial dans ces jardins. Le parcours symbolique de l’eau est à la fois l’image de la Jérusalem céleste dans la symbolique chrétienne et le souvenir de la prospérité des jardins orientaux.

Chemin de pierre à neuf niveaux
Chemin de pierre à neuf niveaux

Nous avons fait revivre cette eau en la conduisant par un chemin de pierre à neufs niveaux, symbolisant les neufs chœurs des anges, pour donner un peu de fraîcheur. Dans ce terrain particulièrement sec, l’eau est surélevée dans des conduites en pierre pour être mise en valeur et pour être protégée du sol et de ses impuretés.

Le puits alimente l’ensemble, après avoir été vidé récemment de 35 mètres de détritus. Au début du siècle c’est un âne qui tirait l’eau dans un seau en fer battu de 50 litres jusqu’au portail de la maison voisine (n°50), qui était alors l’entrée de la ferme. La petite fille des fermiers faisait admirer le fond du puits avec une glace, le « râ ».

La chapelle, à pans de bois, a été construite dans les premières années du XVIème siècle.

Chapelle du Manoir de l'Aumonerie
Chapelle du Manoir de l’Aumonerie

Elle est ornée sur les registres latéraux, au dessus des sablières, en symétrie de part et d’autre de la poutre de gloire, de peintures datées de 1611. Elles représentent les douze apôtres et les douze sibylles. Ces dernières sont des femmes qui, dans l’antiquité, prédisaient l’avenir,  sous l’inspiration d’Apollon, environnées de fumées aromatiques. Il y en avait à Cumes, à Delphes et dans tout  le bassin méditerranéen. Là sont immortalisés la découverte de l’imprimerie, les contes de Guy de Maupassant, les amulettes de Saint Gorgon (chambellan de Dioclétien), que les jeunes filles portaient à la foire aux dindons, sans oublier le faucon encapuchonné, insigne particulier des chambellans. 

Josette Ratier

La Ferme des Templiers, au Genetay, se trouve au 54 chemin Saint Gorgon, 76840 Saint Martin de Boscherville.
Elle est ouverte au public : voir les conditions sur la page dédiée au Manoir de l’Aumonerie