L’esprit de famille

Lorsque mon épouse et moi avons repris la « maison de famille », nous ne l’avions pas anticipé ; et l’aînée de nos quatre enfants n’avait que dix ans. Nous nous sommes demandé comment planifier nos travaux, tout particulièrement à l’extérieur : prairies, bois, ruisseau, étang, potager…

Ancien potager
Ancien potager
Erable et hêtres
Erable et hêtres


Les cinq hectares paraissaient très vastes aux enfants et ils auraient pu rester en l’état. Mais la plupart des beaux arbres étaient centenaires et à chaque tempête il en tombait quelques-uns.

Nous avons très vite décidé de prévoir des relais en plantant, soit à leurs côtés, soit dans certaines prairies, de très jeunes arbres, ce qui ne coûtait quasiment rien et garantissait leur reprise. Trente ans après, nous en sommes bien récompensés car cette nouvelle génération commence à avoir une certaine allure.

La maison avait toujours été remplie pendant les vacances par de nombreux cousins. Nous avons souhaité maintenir cet esprit et créer des centres d’intérêt pour les plus jeunes. Nous avons dû faire des choix : certaines chambres auraient besoin d’être restaurées, car elles conservent encore la marque de l’occupation pendant la dernière guerre mondiale, mais nous avons très vite décidé de construire un tennis, puis, après la naissance des premiers petits-enfants, une piscine.

Nous avons installé celle-ci à l’endroit le plus haut du parc,ce qui la rend très discrète, car la haie qui la protège se trouve ainsi en hauteur et le regard ne peut replonger derrière.

En guise de clin d’œil, cette haie a une forme de vagues…

Nous avons très vite abandonné la culture des légumes dans le potager, pour n’y garder que les fruits rouges et quelques fleurs vivaces, et structurer une allée de cyprès qui se prolonge de l’autre côté de la piscine, intégrant celle-ci dans le paysage.

L’eau est abondante et a toujours servi de terrain de jeux et d’expériences aux jeunes générations, qui aiment marcher en bottes dans le ruisseau et y construire des petits barrages et des moulins…

Le ruisseau en novembre
Le ruisseau en novembre
Le pont chinois
Le pont chinois

Des petites pièces d’eau sont entretenues par deux cygnes qui empêchent certaines herbes de proliférer. Pas toutes malheureusement… mais le fait d’avoir à nourrir les cygnes, afin qu’ils restent sur place, crée un but de promenade quasi quotidienne.

Envol des cygnes
Envol des cygnes
Perce-neige
Perce-neige

Nous trouvons très agréable d’avoir dans le parc des chemins qui dessinent des boucles, créant des itinéraires propices aux échanges quand on les prend à deux… ou en groupe.

L’eau est souvent difficile à gérer : nous avons tenté durant plusieurs années de maintenir le niveau d’un étang qui s’obstinait à fuir, sans que l’on en trouve la véritable cause. L’idée m’est même venue de le vider et d’y aménager un jardin de plantes aquatiques, où les sources voisines auraient créé de petitsfilets d’eau… Heureusement la fuite a fini par être maîtrisée, ce qui a sauvé non seulement l’étang, mais aussi les cascatelles que nous avions créées à sa sortie.

Nyssa sylvatica et Acer palmatum
Nyssa sylvatica et Acer palmatum

Au-dessus de cet étang, nous avions profité de la pente d’une prairie pour créer un théâtre de verdure, à peu de frais : une journée deeee pelle mécanique a suffi pour créer quatre terrasses, sur lesquelles des traverses de chemin de fer superposées ont permis de créer 250 places assises.

Le théatre et l'étang
Le théatre et l’étang

Les enfants, puis les petits-enfants ont toujours aimé « parler aux vaches » qui passent la belle saison dans les prairies. Ils aiment aussi participer aux plantations. Le climat et notre bonne terre normande permettant de faire ce qui n’est pas recommandé par les manuels d’horticulture, il nous arrive régulièrement de planter fin août des oignons de cyclamens en pleine floraison, voire des buis,trouvés dans un bois familial en Berry.

Tout repousse… et en faisant les trous de plantation, nous trouvons souvent des quantités de bulbes de perce-neige, voire de jonquilles, que les enfants aiment beaucoup replanter le long du ruisseau, dont nous refaisons les berges avec de simples parpaings recouverts de terre.

De très nombreux arbres proviennent de graines récoltées ici ou là, puis plantées dans des pots, mis dans un endroit lumineux mais abrité du plein soleil. Nous découvrons souvent, six mois plus tard, de multiples petits arbres…

Après un passage pendant deux ou trois ans dans des pots individuels, ils trouveront leur place dans le parc : cyprès de Menton, du Generalife et de Jérusalem, chênes d’Amérique venant de Boston, chênes verts de Delphes et du jardin du Vatican, cèdres de Touraine… et des néfliers persistants élevés par des petits-enfants dans leur cuisine familiale à Boulogne.

Jonquilles
Jonquilles

La priorité donnée aux enfants nous a incités à aménager de grandes pelouses propices aux nombreux jeux de ballons ou de cerfs-volants. Seuls des buis sauvages taillés en boules ou en cônes viennent habiller ces pelouses, le long de bordures délimitées par de vieux grès. Pas de mixed borders coûteuses mais un effet géométrique intéressant, même en hiver…

Autoportrait d'un footballer...
Autoportrait d’un footballer…

Certaines décisions sont parfois difficiles à prendre ; tout particulièrement dans le choix des arbres à mettre en valeur. Il nous a fallu des années avant de nous résoudre à abattre un frêne et un noyer centenaires. Ils masquaient un énorme chêne, bicentenaire probablement, dont on se réjouit maintenant de contempler une des branches maîtresses, à peu près horizontale, de quinze mètres de long.

Les voyages nous ont inspiré les noms de certains endroits : le pont chinois en zigzag rappelle qu’en Chine les mauvais esprits, qui – paraît-il – se déplacent tout droit, sont ainsi empêchés d’entrer…

Les nympheas
Patio arabo-andalou
Patio arabo-andalou

Les balcons japonais qui protègent les extrémités du bassin des nymphéas (un ancien abreuvoir)  sont aussi un clin d’œil, tout comme le patio arabo-andalou, dont l’étroit canal se jette dans la piscine.

Cette maison familiale a joué un rôle inattendu dans ma vie personnelle puisqu’elle m’a donné la passion des jardins au point d’aller faire deux années d’études,de 2006 à 2008, à l’Ecole du Paysage de Versailles, ce qui m’a ouvert de nouveaux horizons…

Benoît et Isabelle de Font-Réaulx
Benoît et Isabelle de Font-Réaulx

Benoît de Font-Réaulx

Le château et le parc de Ménonval, à 7km au nord-est de Neufchâtel en Bray, ne sont pas ouverts au public. Il nous arrive cependant d’accueillir des groupes d’amateurs de jardins sur demande : bdefontreaulx@yahoo.fr

Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardin de Ménonval.