Un écrin de verdure aux mille nuances
Si l’on demandait à Michel et Marylin Tissait de définir leur création en trois mots, leur réponse serait sans appel: « un jardin de jardinier ». Ce couple passionné, installé à Buchy, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Rouen, a transformé depuis 1982 des terrains ordinaires en un chef-d’œuvre horticole qui s’étend aujourd’hui sur 12.000 m², en bordure du Pays de Bray, dans un paysage sylvopastoral doucement vallonné.
Une œuvre à quatre mains. Tout commence modestement en 1982, sur les 2.000 m² entourant leur maison. Sans plan prédéfini mais grâce à une terre d’une qualité exceptionnelle et une énergie inépuisable, ils plantent leurs premiers massifs d’annuelles et d’arbustes tout en laissant de larges pelouses comme aires de jeu pour leurs deux filles Valérie et Anne. Mais peu à peu, les pelouses vont se rétrécir au profit des plantations. En effet, inspirés par la lecture de revues spécialisées, par les visites de jardins emblématiques comme les Jardins de Bellevue et le Jardin Plume, la rencontre de professionnels avisés et surtout un voyage déterminant en Angleterre, Michel, jardinier de métier au CHU de Rouen, et Marylin, alors novice en jardinage, élargissent rapidement leurs ambitions.
Peu de temps après, ils acquièrent une autre parcelle de 2.000 m² qu’ils plantent et aménagent avec passion dans l’esprit des jardins anglais. Ainsi naît et se développe le premier jardin de 4000 m².
En 1992, leur créativité et leur rigueur sont récompensées par le Prix Jardiland National, qui les place sous le feu des projecteurs. En 1996, le couple ouvre son jardin au public et décroche le prix Bonpland, décerné par la Société nationale d’horticulture de France (SNHF). Ils sont à l’honneur dans de très beaux reportages de la presse.
Une composition subtile et généreuse. Ce premier jardin, d’inspiration anglaise, offre une promenade enchanteresse le long des allées engazonnées qui serpentent entre les mixed borders simples ou doubles. Dans les chambres de verdure, Hosta, graminées, Polygonum, anémones du Japon, hydrangéas et de très nombreuses autres plantes vivaces colonisent les espaces tout en maintenant un bon équilibre grâce au doigté de Marylin. Derrière les mixed borders, quelques grimpantes et des arbustes intéressants pour leur feuillage ou leurs écorces, rythment le panorama. Aux détours des allées, le visiteur tombe sur de belles surprises: une roseraie égaie une terrasse circulaire en briques anciennes, une petite serre charmante, annoncée par sa réplique métallique à ciel ouvert, une grille incitant à la promenade dans la forêt toute proche… Chaque espace est pensé pour ravir le passionné de plantes, divertir le promeneur grâce à la variété des thématiques et combler le visiteur en quête de sérénité.



Un jardin vivant, pensé pour l’accueil. Le bon accueil des visiteurs est une priorité pour les Tissait. Un parking aux pelouses parfaitement intégrées témoigne de cette attention. De même, la charmante cabane de verdure plonge immédiatement le touriste dans l’ambiance du lieu où Dame Nature est prioritaire.
En 2013, notre Association des Parcs et Jardins de Normandie (à l’époque ARPJHN) a remis à Maryline et Michel Tissait le prix du Jardin d’agrément. En 2014, le Jardin de Valérianes s’est classé sixième dans l’émission Le Jardin préféré des Français, confirmant sa place dans le cœur du public.
Une passion en constante évolution. Cependant, une fois arrivé à maturité, le premier jardin n’assouvit plus les plus grands rêves de ses propriétaires: Michel voudrait un vaste plan d’eau et Marylin aimerait planter des centaines de plantes acidophiles… Or, en 2001, le rêve devient réalité: une parcelle de 8.000 m², répondant aux critères, est en vente juste en face de leur maison. L’achat réalisé, le nouveau terrain va permettre la création d’un grand bassin romantique, entouré d’une riche collection de plantes acidophiles, notamment des Acer, Cornus, Hydrangea et spécimens rares.
Cette extension devient peu à peu une création originale, très personnelle, différente du premier jardin et totalement dépaysante par le choix des végétaux, achetés pour la plupart dans la pépinière d’Emmanuel de la Fonchais.
Dès l’entrée, le visiteur se trouve devant une alternative presque philosophique: doit-il bifurquer vers le sentier de droite? Ou bien emprunter celui de gauche, chaque itinéraire offrant des vues différentes du jardin… Attirés par les touffes de fougères, alternant avec les massifs d’hortensias, nous nous engageons dans l’allée de gauche.

Le cheminement au sein du deuxième jardin est un véritable voyage botanique, où chaque détour offre une surprise visuelle et sensorielle. L’attention portée à la diversité végétale et à la mise en scène naturelle transforme la visite en une expérience revigorante.


Ainsi, parmi les découvertes, l’Arbutus andrachnoides, hybride de l’arbousier commun et de l’arbousier de Chypre, se distingue par son écorce rougeâtre qui pèle en plaques, conférant à l’arbre un aspect texturé.
Le jardin abrite une collection remarquable de 150 variétés d’Hosta, une cinquantaine de variétés d’Acer et une vingtaine de Cornus. Chez les Hosta, des variétés comme ‘Avocado’, ‘Sum of All’ ou ‘Fire and Ice’ se démarquent par leur feuillage particulier ou leur parfum subtil, tandis que l’Hosta ‘Empress Wu’ est intéressant du fait de sa grande taille (jusqu’à 1,5m). Les Hosta ne sont pas trop attaqués par les limaces car celle-ci sont éliminées par les nombreux prédateurs vivant dans le jardin : hérissons, grenouilles, crapauds, grives et merles.
Le terrain, relativement plat, se prête à la flânerie le long des allées de gazon. Au gré des méandres du chemin, nous atteignons une clairière humide où chantent les oiseaux. Puis nous accédons au plan d’eau de 300 m², tant rêvé, qui se révèle subitement à ce stade de la promenade. Nous traversons le gué, admirons la bonne santé des nénuphars, cantonnés dans leur espace grâce aux mains expertes des propriétaires. La vie y foisonne: Michel évoque l’équilibre naturel et fragile qui s’est installé en quelques années dans ce petit univers où les plantes et les animaux cohabitent en bonne intelligence, sans apport de traitements phytosanitaires. Nous cheminons autour du bassin, dans un décor de plantes asiatiques issues de Chine, du Japon et de Taiwan. La légèreté des feuillages découpés, le port élégant des arbres, la beauté de leurs troncs, de leurs écorces, de leur forme, contribuent à l’harmonie subtile du lieu. De plus, les arbres adultes bénéficient d’une taille en transparence qui ajoute lumière et légèreté à l’ensemble. Après avoir longé les berges du plan d’eau et admiré les jeux d’ombre et de lumière créés par les feuillages ciselés, nous sommes guidés vers une succession de massifs soigneusement agencés et taillés.
Parmi les coups de cœur de Marylin, citons l’Acer tegmentosum, apprécié pour son écorce rayée, ou encore l’Acer palmatum ‘Eddisburry’, dont le bois rouge illumine le paysage d’hiver.
Un entretien minutieux. Pendant la haute saison, huit heures de travail quotidien sont nécessaires pour préserver la beauté des lieux. Michel et Marylin appliquent des techniques respectueuses de l’environnement : paillage au bois raméal fragmenté, compost maison, et taille printanière préservant la biodiversité.

Une passion partagée. Créé avec la complicité de pépiniéristes locaux et enrichi par des décennies d’expérience, ce jardin reflète l’âme de ses propriétaires. Michel et Marylin Tissait ont su allier technique et spontanéité, rigueur et créativité pour mieux apprivoiser le monde exubérant du végétal.
Les Jardins de Valérianes sont bien plus qu’un jardin: ils incarnent un art de vivre où la passion pour les plantes se mêle à une quête perpétuelle de beauté et d’harmonie. L’agencement du jardin repose sur une alternance de clairières et de zones ombragées, offrant des microclimats adaptés aux différentes espèces. Quelques fauteuils en teck nichés sous la ramure, un banc discret face à une perspective, invitent le visiteur en quête de sérénité à s’asseoir et contempler.
Un dialogue avec la nature. Loin d’être figée, la composition du jardin évolue au fil des saisons et des expérimentations des propriétaires. Michel, passionné par l’équilibre écologique, veille à ce que chaque plante trouve sa place et s’épanouisse sans engrais chimiques ni pesticides. Cet engagement se traduit par une faune florissante : grenouilles, libellules et oiseaux animent le plan d’eau, tandis que papillons et abeilles butinent les fleurs en toute quiétude. Marylin, quant à elle, met à profit son sens esthétique pour sélectionner des plantes aux textures et couleurs complémentaires. Les compositions favorisent des contrastes subtils : le feuillage nuancé des Hosta se marie aux teintes éclatantes des Acer, tandis que les floraisons délicates des Hydrangea viennent adoucir l’ensemble.

Un jardin pour tous les sens. Chaque détail est pensé pour enrichir l’expérience du visiteur, qu’il soit amateur de botanique ou simple curieux. Les odeurs se mêlent aux couleurs : le parfum délicat des Hosta fleuris, les notes boisées des arbustes taillés et l’humidité du sol près du bassin participent à l’immersion.


« Créer un jardin, c’est croire en demain » (Audrey Hepburn). Fruit de l’imagination, des compétences et du labeur de Michel et Marylin Tissait, le jardin de Valérianes est bien plus qu’un simple espace végétal. Il incarne un amour profond pour la nature et une vision tournée vers l’avenir, où le rêve prend vie sous la forme d’un paysage vivant.
Pour les visiteurs, ce lieu est une ode à l’art des jardins, cet équilibre subtil et exigeant entre la main de l’homme et la puissance de la nature, où chacun trouve l’inspiration et l’émerveillement dans une harmonie à ciel ouvert.
Texte : Edith de Feuardent Photos : Michel et Marylin Tissait
Le Jardin de Valérianes se trouve sur la route d’Ennecuit, à Bosc-Roger-sur-Buchy, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Rouen. Il est largement ouvert au public et comprend un gîte pour 2 à 4 personnes, ouvert aux mêmes périodes que le jardin, du 15 mai au 15 septembre. Nombreuses informations sur le site : http://jardindevalerianes.e-monsite.com

