Montaure – un petit jardin secret

C’est en 2012 que l’Association des Parcs et Jardins de Normandie décidait de décerner à Martine Ducloux le Prix du jardin d’agrément de l’année (Cf. gazette APJN n°34, page 6).

Nous y sommes retournés pour voir comment avait évolué ce petit joyau, protégé des regards derrière son mur ancien, serti dans le petit village de Montaure ou plutôt de Terres de Bord depuis que la commune a fusionné avec Tostes, sa voisine.

Montaure est situé sur une petite hauteur dominant une plaine céréalière entourée par la vaste Forêt Domaniale de Bord-Louviers qui occupe une boucle de la Seine, au débouché de la vallée de l’Eure, paresseuse, et sa confluence avec le grand fleuve.

C’est à partir de 1999 que Martine Ducloux, libérée de ses obligations professionnelles, va pleinement s’investir dans la création du jardin que l’on peut admirer aujourd’hui. Il constitue un écrin pour une belle longère du XVIIe siècle, dont une patiente rénovation met aujourd’hui en valeur l’appareillage de briques de Saint-Jean et de calcaire blanc du Val de Seine.

Le jardin est constitué de massifs buissonnants entre lesquels serpentent de petits cheminements engazonnés, dans un foisonnement de vivaces qui n’a de désordonné que l’apparence.

Martine Ducloux, aidée de son mari Christian, a commencé par donner forme au terrain de 3000m², abandonné de longue date, lorsqu’ils se sont installés, il y a près de 40 ans. Ils lui ont alors donné son modelé actuel, en pente légère.

Puis sont venus les massifs, adossés au départ au mur d’enceinte et gagnant petit à petit tout l’espace, créant des espaces mystérieux que l’on découvre un à un, en se frayant un passage au milieu des fleurs vivaces qui se courbent au passage.

Au fil des saisons le jardin évolue, l’ambiance change avec une succession permanente de floraisons qui s’entremêlent et s’enchaînent selon un schéma qui rappelle les herbacious borders de nos voisins d’Outre-Manche, sans que Martine Ducloux ne se soit jamais inspirée du moindre modèle.

Car il s’agit bien d’une création originale, personnelle, unique, d’une peinture créée sur le motif, toute faite d’inspirations du moment, de coups de cœur, d’intuitions, de rencontres avec tel amateur, tel collectionneur ou d’un pépiniériste, au hasard des rencontres.

L’année commence au printemps avec la luxuriance des rhododendrons qui colorent violemment la grisaille d’un hiver qui tarde à finir. Puis viennent les glycines avec leurs grappes violines. Les rosiers anciens aux fleurs simples prennent le relais en buissons ensauvagés, croulant de fleurs blanches et de tous les tons de rose et d’écarlate. Et puis s’y insèrent cette multitude de fleurs dont le visiteur même éclairé peine à se remémorer les noms.

Martine Ducloux quant à elle connait le nom de toutes ces plantes auxquelles elle a trouvé une place. Elles se côtoient, s’entremêlent, se chevauchent, à la recherche d’une harmonie qui leur est propre. Selon le moment de la journée, telle plante attire tout à coup le regard, par son feuillage rendu lumineux par un rai de lumière : un érable japonais qui se fraie un passage, un cornus bicolore, des euphorbes aux inflorescences couleur de feuillage, des buddleias qui jaillissent, blancs ou parme, et là des hampes d’acanthes surgies au détour d’une sente.

Et puis il y a les hydrangeas, de toutes sortes. Mais toute idée de collection est étrangère à Martine Ducloux qui a multiplié elle-même patiemment les variétés qu’elle aimait dans sa petite serre-atelier : Annabelle bien sûr, dont les grosses boules blanches forment des masses imposantes, et beaucoup d’autres variétés, certaines connues, d’autres inconnues, étranges parfois, par le mélange de leurs fleurs stériles, frangées de filaments carmin aux ailes de papillon.

Quelques arbres dont certains fruitiers occupent la strate supérieure, créant des zones d’ombres et de lumière sans pour autant imposer leur stature : Pêcher d’ornement, pommier sauvage, sorbiers des oiseleurs. Seuls alentours, les grands arbres des propriétés voisines bornent le regard, dont un cèdre bleu centenaire au port en plateau. Ils confortent cette impression de cocon préservé que dégage ce jardin hors du temps.

Le clocher voisin égrène les heures et Martine Ducloux parcourt son jardin, guettant un changement de lumière qui, un moment, illumine une fleur. Nul n’est besoin de s’échapper de ce havre de paix pour retrouver le monde qui s’agite à distance, dans la vallée de l’Eure, du côté de Louviers ou de la Seine.

Si vous avez la chance de rencontrer Martine Ducloux, qui sait, peut-être vous permettra t’elle d’accéder à son jardin secret ?

Texte et photos : Pierre Olivier DRÈGE

Le Jardin de Martine, commune de Terres de Bord (Eure), 27412 Montaure, est à 10 km au Sud de Rouen. Le Jardin n’est pas ouvert au public. Visite pour initiés introduits.